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Carnet et stylo plume

Mes écrits

Vous trouverez ici les nouvelles que j'ai écrite

Session de psychologie

DILEMME

Par L_ecrit_vin

Elle entend la poignée se baisser et voit son patient désorienté entrer. Il avance doucement et prend place dans le fauteuil en velours bleu ciel. Ses mains tremblantes, il s'effondre.
- J'ai recommencé...
Elle encaisse le coup. Leur travail n'avait pas suffit. C'était plus fort que lui.
- Expliquez moi ce qu'il s'est passé Igor.
Il sort un mouchoir en tissu, retire ses lunettes et frotte ses yeux maladroitement avant de commencer:
- Je...
Il s'effondre de nouveau, la tête baissée, des hoquets lui prennent.
- C'est... je ne pouvais pas... je ne pouvais pas faire autrement...
Igor reprend son souffle dans une grande inspiration et lance:
- J'espère que vous n'allez pas être déçue...
- Igor vous savez bien ce que je pense de tout ça, on en a parlé plus d'une fois. Je suis là pour vous écouter, pas vous juger.
Rassuré, il entame ses explications, quelque peu honteux tout de même:
- Hier, lorsque je suis rentré du travail, je me suis retrouvé seul chez moi et les angoisses sont revenues. Les voix aussi.
- Quelles voix?
- Ceux que je n'ai pas pu sauver. Ils criaient, ils hurlaient sans prévenir. Ses voix venaient et repartaient aussi vite. Alors j'ai bu. Au début pour ne plus les entendre, puis pour oublier.
- Oublier quoi Igor?
Il baisse la tête et triture son mouchoir frénétiquement. Maelia ne voit pas son regard à ce moment précis, mais ressent la grande détresse dans laquelle se trouve son patient. Elle lui tend un verre d'eau qu'elle a à porter de main.
- Tenez, lui dit-elle en lui tendant le gobelet en plastique.
- Merci.
- Continuez Igor. Que s'est il passé hier? Pourquoi m'avoir appelée aujourd'hui en urgence?
- Parce que je ne sais plus quoi faire... s'effondre t-il.
Maelia se demandait ce qu'elle devait faire, quoi lui conseiller, vers qui l'orienter ?
- Qu'avez-vous fait Igor?? Insiste-t-elle.
Il baisse la tête de nouveau, puis la releva. Elle voit enfin son regard. Plein de détresse au premier abord, de colère en second.
- J'ai fait ce que j'ai pu pour les protéger! Ils en avaient tué certains, j'ai voulu les aider. Ils m'ont fait confiance et m'ont suivi pour se cacher. 

- Se cacher où Igor? 

Il se leva d'un bond: 

- Derrière moi ! Derrière moi pour qu'ils 

soient à l'abri ! Ils fallaient pas qu'ils les trouvent, sinon ils les auraient descendus ! 

Ses yeux écarquillés regardaient dans le vide, dans une autre réalité que Maelia tentait d'imaginer. Difficilement, même s'il lui avait narré lors de leurs précédentes séances l'horreur de ce qu'il avait vécu en Pologne dix ans auparavant. 

- Calmez-vous Igor. Rasseyez-vous, tenta-t-elle de l'apaiser. Respirez profondément. 

Les mouvements des mains de la thérapeute, de haut en bas accompagnèrent le thorax surventilé de son patient, ce qui l'aida grandement à se calmer. Il observa ses mains, tritura ses ongles cette fois, et reprit:

- Vous pensez que je suis un monstre? 

- Pourquoi penserais-je cela Igor?

- Parce que je n'ai pas réussi à tous les sauver ! J'ai accéléré pour sauver ma peau et celles de ceux qui pouvaient me suivre. C'est tellement lâche... J'ai été tellement lâche... 

Il renifla et essuya son nez dans la manche de son pull en polaire noir. 

- Vous vous flagellez Igor. Vous avez fait ce que vous avez pû. Et les survivants peuvent vous remercier aujourd'hui. Leurs enfants également! Vous connaissiez le chemin et vous les avez guidé au péril de votre vie ! C'est très courageux Igor. Vous n'avez plus à vous en vouloir, bien au contraire! Plus jamais vous m'entendez?! 

Elle capta son regard et ne le lâcha plus. Il fallait qu'il comprenne, qu'il lâche prise une bonne fois pour toute, qu'il laisse ce passé douloureux derrière lui et les morts où ils sont. Elle avait l'impression en cet instant que son silence, pour une fois, signifiait qu'elle avait enfin eu un impact. 

- Et comment je me débarrasse de mes cauchemars? En allant de l'avant? 

- Oui, exactement. 

- Et les visages que je vois? Mutilés par les tirs et tuméfiés par les coups. Ils s'en iront un jour vous pensez? Parce que l'alcool ne sert plus à grand chose... 

- Continuez le traitement et, effectivement, arrêtez l'alcool. Nos séances d'hypnose porteront leurs fruits. Soyez patient. 

- Même pour mon fils? 

Elle avala sa salive péniblement en repensant à l'histoire dramatique qu'Igor portait en lui. Les mots lui manquaient en cet instant. Aleksander avait commis l'impensable: dénoncer les agissements de son père et toutes les personnes qu'ils cachaient ou tentaient d'aider. Son fils, prit par la peur, glissa dans la folie et interpella, nuit tombante, une patrouille de policiers, pour leur expliquer où son père cachait une famille de juifs venues de l'est. Aleksander hurla dans la rue au passage des policiers armés jusqu'aux dents et leur chien accourut vers le jeune homme, intrigué par les hurlements à une heure si tardive. 

Igor n'avait pas le choix que de tirer. A peine le temps de réfléchir, il tua son propre fils d'une balle dans le dos. Un acte d'une telle cruauté pour un père, un acte qu'il ne s'était jamais pardonné et qui le hantait chaque jour de sa chienne de vie. Il avait beau avoir sauvé des dizaines d'âmes, avoir été décoré à la fin de cette terrible guerre, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Le 9 octobre 1944, lorsqu'il avait tiré sur son fils, il avait éteint en lui toute once de vie. Il naviguait entre la vie et la mort, piégé dans ce passé insupportable, la culpabilité et la honte. Sans échappatoire possible.


Solitude

Amourescence

par L_ecrit_vin

Quand je la vois, j’ai tellement de peine pour elle. Le collège, il n’y a rien de pire. Elle rentre, elle balance son sac et fonce s’enfermer dans sa chambre pleurer. Et nous sommes là, impuissants.

Nous lui expliquons que tout le monde est passé par là, sa tante Nathalie, son cousin Nicolas, mon amie d’enfance Élodie. Tout le monde. Mais ça ne lui suffit pas. Évidemment, ce n’est pas parce qu’elle apprend qu’ils ont souffert, qu’elle se sent mieux ! Alors laissez-moi !


Le collège quelle horreur... Tu sors de l’insouciance de l’enfance, des cours de récré, des bonbons, des jeux, des rires, pour entrer dans le monde adulte et la loi du plus fort. On parle d’adolescence. Ce terme qui symbolise le moment où tu n’es pas tout à fait un adulte, mais plus un enfant non plus. Ce flou est exactement le même que celui dans lequel tu te trouves physiquement et psychologiquement. Parce qu’il faut le dire : c’est le bordel ! Dans ta tête déjà : qu’est-ce que je fous là ? Dans cette jungle où je suis censée évoluer et passer mes journées… et pourquoi les gens autour de moi sont aussi méchants les uns envers les autres ? J’espère passer inaperçue et ne pas tomber entre les griffes des plus mesquins et mauvais d’entre eux. Alors je me fais discrète. Le plus discrète possible. Et je supporte les journées les unes après les autres en attendant les prochaines vacances. Et j’observe. J’observe mon corps changé. Ça c’est dur aussi. Je ne me reconnais plus. Alors pareil, je veux me faire discrète. C’est sans compter sur mon grand-père, à chaque fois qu’il me voit me lâche des « ooooh mais ça pousse ! Â» très gênants (oui il parle bien de ma poitrine qui pointe son nez). À quoi pense-t-il à ce moment précis lorsqu’il me lance ce genre de remarque ? Ce n’est franchement pas d’une grande aide quand toi-même tu essaies de dissimuler derrière de grands tee-shirts ces deux tétons qui, jusqu’à présent, étaient aux abonnés absents. Ça c’est la deuxième partie du bordel : le corps. Mon dieu, mon dieu, mon dieu… je ne savais plus où me foutre ! En un an à peine je passais de la petite à lunettes, chétive, à la grande avec l’assortiment poitrine et fesses rembourrées. Même en essayant d’être le plus discrète possible, la technique des fringues ne fonctionnait plus. Il fallait essayer tant bien que mal d’assumer ce nouveau corps en décalage complet avec ce qu’il y avait dans ma tête. D’intellectuelle, le nez fourré dans mes bouquins, seule dans un coin de la cour du collège, je devenais d’un coup, intéressante aux yeux des autres filles. « Tu devrais te mettre en valeur ! Â» me lâchait Gwendoline, « attends je vais te coiffer Â» enchaînait Marine, « j’ai un pull qui t’irait trop bien ! Â» continuait Aurélie. Et moi, toujours mon livre à la main, je me demandais ce qu’elles me voulaient. J’ai finalement compris que c’était ça être populaire au collège. Les autres te tournent autour et t’envie. Quel monde étrange. Moi qui rêvais en regardant les autres, d’exister un peu à leurs yeux, j’atteignais mon rêve et finalement… j’en n’avais plus rien à faire. Je les trouvais même ridicules. Et je m’en voulais, l’espace de quelques semaines d’avoir profiter de mon nouveau statut. Allez oust ! Laissez-moi tranquilles, leur avais-je sorti. Et je redevenais moi-même. Seule, peut-être, mais libre d’être mal dans ma peau et collée à mes bouquins. J’étais Camille. La vraie Camille. Mal dans sa peau, mais ça allait passer. Heureusement.


Alors même si ces années ont été difficiles, après les avoir racontées à ma fille telle quelle, j’ai terminé ma petite histoire en lui rappelant qu’il fallait qu’elle reste comme elle est et qu’elle n’oublie pas une chose : nous l’aimons quoiqu’il arrive et rien n’est permanent.

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Couple heureux

Rêver grand

Par L_ecrit_vin

              On en parlait depuis longtemps, pour être honnête un paquet d'années. Les contraintes de la garde alternée nous faisait attendre, patiemment. De longues discussions sur le lieu de la prochaine page de notre histoire voyaient le jour à chaque fois que le sujet pointait son nez dans la conversation. Il ne s'agissait pas d'un voyage, mais de notre voyage. Celui d'une vie. Avec une date de départ, pas encore bien établie, mais pas de date de retour. Le trajet non plus n'était pas encore bien défini. Ce serait sac à dos, nos économies, des chaussures de marche et la liberté. La retraite pour lui, une démission pour moi. Nous avions tout calculé depuis bientôt dix ans. L'attente fût longue avec des remises en question, parfois. De notre couple, s'il serait assez solide pour atteindre le rêve d'une vie, ce tour du monde sur lequel nous nous étions mis d'accord,que nous avions tant fantasmé.

Quand le quotidien devenait parfois difficile, lourd, pesant, nous nous retrouvions autour d'une bière fraîche, le soir, à refaire le monde, notre monde. Et à rêver de ce grand saut dans le vide qui nous attendait.

J'avais entamé la discussion, celle qui allait bouleverser notre vie un soir, une Heineken à la main, des cacahuètes dans l'autre, par lui demander:

- "Alex? Un tour du monde ça te dirait?"

Il rigola nerveusement comme il savait si bien le faire lorsque mes questions sortaient de nulle part et enchaîna:

- "Tu es formidable!"

Il reprit une gorgée et me répondit:

- "Qui ne rêve pas de ça?"

Sans me formaliser sur sa première phrase quelque peu méprisante (j'avais la fâcheuse habitude d'aller droit au but dans mes questions sans aucune introduction), je déposai ma bouteille fraîche sur la table basse, me levai d'un bond de mon pouf noir en cuir, pointai le doigt vers lui et déterminée lâchai:

- "On va le faire. Je te promets, on va le faire!

- Carole... soupira-t-il. T'es encore partie dans une de tes lubies..."

Je regardai au loin, déjà partie. A imaginer tout ce qu'on pourrait découvrir aux quatre coins du monde: les cultures, rencontres, plats exotiques,... Il fallait le faire! Tout devenait évident.

Et c'est ainsi que dix années s'écoulèrent, le temps suffisant pour prouver par A+B à Alex que c'était possible, qu'on avait le droit de rêver grand. Il s'était laissé convaincre sans trop de difficultés finalement. C'était même lui qui entreprenait le plus de recherches sur nos futurs destinations. Je crois qu'il le faisait pour nous, pour avoir un rêve en commun, un projet à deux. Peu importait, finalement, les destinations. Nous regardions pour nous faire une idée, pour éviter les déconvenues, mais nous voulions garder cette notion d'aventure, de découverte. C'est précisément ça qui nous animait depuis tout ce temps. 

Nous nous sommes enfin décidés sur la date, du moins sur l'année. Ce sera l'année prochaine, sans faute. La petite devenue grande, nous avait donné sa bénédiction, c'était la seule raison qui nous retenait. Enfin devenue autonome, elle n'avait plus besoin de nous. 


Par quoi allions nous commencer? Tout était possible. L'asie? Les Amériques? Ce serait le premier. Nous démarrerions par une semaine au Sri Lanka. 

Cette île merveilleuse entre champs de thé, montagnes et savanes. Un écrin encore préservé et qui, pourtant, semblait regorger de tout un tas de paysages variés. Nous rêvions de parcourir la jungle tropicale, humide et parsemée de toute sorte de fleurs exotiques. De marcher tant entre les bambous centenaires qu'entre les plantations de thé de Ceylan. De découvrir l'histoire de cette île divisée entre ses peuples et religions différentes: bouddhistes à 80 % et hindouistes, la minorité tamouls au Nord. Comment cohabitaient-ils sur cette île de seulement quelques milliers de kilomètres carrés? Nous rêvions de nous imprégner, tout d'abord, du Sri Lanka et de nous laisser porter ensuite au gré de nos envies communes. 

Parce que avions toujours rêvé de partir à l'aventure, ensemble, main dans la main, même après tout ce temps. 

Grand-mère et petite-fille

L'éternel

Par L_ecrit_vin

           Il me fallut quelques minutes pour me remettre de la nouvelle puis, m'approcher doucement de celui qui nous avait accompagné durant tout ce temps. Il ne restait plus grand chose de lui. Sa forme et son ombre n'étaient plus qu'un souvenir. Je revoyais son tronc, ses feuilles, ses branches tombantes en un doux rideau, comme une illusion lointaine que je n'avais de choix de laisser partir.
          Pourtant, tout me paraissait encore là, frais dans ma mémoire. Le saule, elle et moi.
          Le saule qui me semblait tellement grand, du haut de mes jeunes années, que je devais briser ma nuque lorsque mes yeux s'évertuaient à chercher sa cime. L'envergure de ses branches permettaient à quiconque de se glisser en son sein et d'avoir l'impression d'être coupé du monde, ce que nous faisions chaque fois que nous nous voyions elle et moi.

          Après avoir cueilli quelques fruits mûrs dans le verger atenant, nous nous adossions à l'arbre pour nous délecter de pêches et de fraises fraîches. Les rires fusaient.
-" Mamie?
- Oui?
- Tu crois que personne ne peut nous voir?"

Elle souriait et terminait sa pêche juteuse avant de me répondre:
-"Non ma chérie.
- J'en étais sûre!"
          Et nous rigolions de nouveau en nous levant tranquillement.
          Parfois, il nous arrivait de passer de longues heures à profiter de l'ombre du saule pour lire quelques aventures triées sur le volet. Ses jambes autour de ma taille, je me laissais tomber avec confiance sur sa poitrine charnue afin de m'installer confortablement pour la lecture. Il nous arrivait d'imaginer nous-mêmes nos histoires en mélangeant celle que nous connaissions avec notre imaginaire.

          Nous ne changions jamais de place quoiqu'il arrive. C'était notre cachette. Ou, du moins, nous en avions l'impression.

​

          Nous restions allonger dans l'herbe fraîche, sans rien faire, de temps en temps. Le vent entrait doucement dans les feuilles du géant et un léger bruissement murmurait sa mélodie à nos oreilles.

          Lui qui avait été là tant comme appuie-tête que comme dossier ou ombrelle, il participait, malgré lui, à nos instants de vie si précieux.

    Et c'est aujourd'hui qu'ils m'annonçaient, de but en blanc, qu'il avait disparu. Abattu. Sans m'avoir demandée mon avis. Sans avoir pris le temps de lui dire aurevoir, de le remercier. Personne n'avait jugé utile de me prévenir. Comment était-ce possible? Qui voulait nous séparer?

         Mes mains commencèrent à trembler, mes poings se serrer, ma vision s'embuer.

         Je me dirigeai vers le verger et vis ce qu'il en restait: un pauvre tronc creux surplombé d'un vieux pot en terre vide. Pas une fleur en son hommage. Rien.

         Je m'assis sur son tronc, en écartant bien évidemment le pot en terre cuite, espérant retrouver son contact. Tout me revenait, il n'était pas mort. Je sentais son énergie sans pouvoir l'expliquer.

         Rassurée, je me relevai et touchai de toute ma paume ce qu'il restait de cet être anciennement majestueux pour en profiter encore une fois et lui annoncer que, désormais, je viendrai le voir seule. Elle n'était plus là.

Verre homme derrière brisé

Le miroir

Par L_ecrit_vin

      Intrigué par son choix ferme et sans retour, il ne pouvait contenir sa déception. Iris lui avait balancé en plein visage la veille de leur départ qu'elle ne viendrait pas. Et c'était immuable.
      Elle s'était pour une fois positionnée, comme un cri du cÅ“ur et d'amour propre. Elle se faisait passer en première. Enfin...
Cette semaine sera à elle, pour elle. Seule.

"- Tu es sûre de ne pas regretter?" Freddy lui avait-il lancé.

     Les regards étaient francs, vissés l'un dans l'autre. Elle ne baisserait pas la tête et affronterait la déception de sa moitié, sans se perdre elle-même. L'empathie ne lui ferait pas oublier pourquoi elle refusait leurs vacances prévues depuis quelques mois. Il y avait bien une raison à cela.

    Des jours et des jours s'étaient écoulés entre la préparation de leur séjour et cette date fatidique, veille du départ. Discussions, nuits blanches, alcool et fatigue n'avaient pas suffit. Leur lien s'affaiblissait sans pouvoir l'expliquer.

     Elle se rendait juste compte qu'il fallait qu'elle repense à elle. Se retrouve. Ensuite.

     La sentence était tombée telle un couperet, tranchant l'air avec des mots sans équivoque: "ce sera sans moi".

    Elle but une gorgée d'eau du verre posé sur la table de jardin. Ses pieds posés au sol et un plaid moelleux pour la réchauffer de cette fraîche soirée, elle prit une grande inspiration avant de lui répondre:

- "Non".
Elle marqua un temps d'arrêt avant de reprendre:
- "Si je viens, je sais par avance que je ne serai pas de bonne compagnie. Et tu sais très bien pourquoi je reste ici. Ce n'est pas contre toi, mais pour moi".

    Freddy, sous le choc de la nouvelle, malgré tous les efforts qu'il entreprit pour encaisser, ne pouvait cacher sa déception. La colère monta en lui, sans être capable de la refréner. Il savait, avant même que les mots ne sortent, le mal qu'il allait lui faire. Tant pis. Elle ne s'était pas posée la question non plus.

- "Comment peux-tu me faire ça? La veille du départ en plus! Qu'est-ce que je t'ai fait?" lança-t-il, désespéré.

Elle commença par baisser la tête, puis se reprit dans un élan d'amour-propre.

- "Tu crois vraiment que je fais ça contre toi? Vraiment?"

Les larmes commencèrent à monter du côté d'Iris qui avala péniblement sa salive, la gorge serrée, afin de poursuivre:

-"Ca fait trop longtemps que je m'oublie pour toi, tu ne penses pas? Tu ne le vois pas sans doute. Trop habitué. Je passe à côté de ce que je suis par amour. Mais l'amour ce n'est pas ça. C'est beaucoup plus..."

Elle sentait que ses explications n'allaient pas convaincre Freddy et qu'il les utiliserait contre elle. Faux pronostic. Il ne disait rien. Prostré, la tête entre les mains.

"Pas de compassion, pas de compassion. Restes forte" se disait-elle intérieurement.

Il allait s'en remettre s'il tenait vraiment à elle. Iris eu un léger sourire de soulagement.

"- Ca te fait rire en plus?! Lui jeta-t-il.
- Je suis simplement heureuse et soulagée. Dois-je m'excuser de ça en plus?"
La conversation se termina ainsi lorsqu'Iris se leva précipitamment, gonflée de fierté.

     Arriva l'heure des aurevoirs. Froids. Conventionnels. Il se sentait rejeté, il la rejetait.

    Il se sentait rejeté, il la rejetait. Non par vengeance, cela devait être son inconscient mêlé à sa tristesse.
- "C'est dommage" furent ses derniers mots avant de la quitter, sac à la main, en direction de la gare ferroviaire.
Pas un regard, pas un signe de la main. Mais Iris n'eut pas de pincement au cœur, elle savait qu'elle faisait ça pour son bien à ELLE.

    Retour en voiture le sourire aux lèvres et la légèreté dans le cÅ“ur. Elle se sentait sereine et commençait à se demander ce qu'elle allait bien pouvoir faire de cette semaine en solitaire. Elle n'avait pas peur, mais n'était plus habituée à tout ce temps libre rien que pour elle. Il faudrait un petit temps d'adaptation sans doute.
    Après cette sensation de liberté retrouvée, elle déchanta vite en arrivant chez elle. Elle ne savait par où commencer. De quoi avait-elle vraiment envie une fois qu'elle pouvait tout se permettre? Rien ne lui venait. Elle avait envie de rien. Même pas d'appeler son meilleur ami pour lui raconter tout ce qui lui arrivait. Pas tout de suite. Ce moment de solitude la faisant jubiler tout comme l'effrayer. Liberté versus solitude. Elle oscillait entre les deux ne sachant plus vraiment où se situer, ni même ce qu'elle ressentait.

    Après quelques heures à dépérir dans le fond de son canapé ne sachant si elle voulait pleurer de solitude ou sauter de joie, elle commençait à se demander à quoi rimait tout ça.

   Allait-elle continuer à gâcher ce temps libre en questions existentielles ? Non. Clairement pas.

- "Va falloir se prendre en main ma fille!" se dit-elle, dans un élan de motivation.

    En deux temps trois mouvements elle tria ses pensées, en vira la plupart, tria ses affaires, en vira la plupart et se mit à danser. Elle lâcha tout. Toutes les tensions qui lui pourrissaient la vie, toutes les culpabilités qu'elle décida d'affronter. Il était grand temps de se responsabiliser et de prendre sa vie en main ! Finies les excuses !

    Iris s'arrêta d'un coup de danser, jeta un Å“il dans le miroir. Elle ne voyait plus la petite Iris mais bien celle qui grandissait et allait de l'avant.

Insomnies

Par L_ecrit_vin

Le cœur propulsait dans un rythme saccadé le liquide vital là où ils avaient cruellement besoin de lui.

Les mains tremblantes et les phalanges blanches semblaient étrangler le cou de celui qui l'avait mis dans cet état. Il ne manquait qu'un mot, un seul pour qu'il s'oublie. Qu'il oublie ce pourquoi il était venu.

Ses yeux embués paraissaient vides de toute émotion et fixer l'interlocuteur absurde qui ne se rendait pas compte de l'état dans lequel il l'avait propulsé.

Incapable de ralentir la chevauchée de ses émotions, il arrivait tout de même a sentir qu'il perdait le contrôle. Son corps et de son esprit, obnubilés par les prémices d'une guerre qui ne ferait de vainqueur. La guerre d'ego. La guerre de celui qui aurait raison.

Il fallait arrêter maintenant avant que ça ne dégénère. Il fallait espérer qu'il se maîtrise cette fois ci. Y croire. Prier peut-être ? Il en était capable. Il ne devait pas recommencer.

Ombre

Couper net

Par L_ecrit_vin

Message envoyé. 
Plus moyen de faire marche arrière.
Trois heures du matin, impossible de fermer l'oeil. La lumière de mon téléphone me fait plisser les yeux lorsque je l'allume dans la pénombre de la pièce. Il faut qu'elle vienne. Elle doit venir. J'ai tout fait pour la séduire. 
Elle vient! Dans trente minutes son taxi arrivera en bas, à l'adresse que je viens de lui envoyer. Je dois me préparer, vite. Un maillot des Lakers enfilé pour lui faire comprendre que j'aime ce sport, deux pressions de parfum derrière chaque oreille comme mon grand-père me l'a appris, et une paire de baskets blanches pour le confort. 
Je n'en reviens toujours pas qu'elle fasse le trajet pour moi à cette heure si tardive. J'ai sû lui parler, la mettre en confiance, l'amadouer. Et ça porte ses fruits. 
Mes mains tremblent légèrement. Une profonde inspiration m'aide à me calmer, calmer cette excitation qui m'envahit à l'idée de la voir devant moi. Ses photos me plaisent: brune, pas trop grande, quelques formes, tout ce que j'aime. Et les photos que j'ai trouvé d'elle sur les réseaux aussi.
La lumière de mon téléphone s'allume de nouveau. Ca doit être elle ! Son nom apparaît : "Je suis devant". 
Je descends les marche quatre à quatre pour éviter de la faire attendre. Le taxi est là, moteur allumé et elle, appuyée contre la voiture, une cigarette aux lèvres. Aussi gracieuse que ce que je m'étais imaginé. 
- "Tu peux payer le taxi?
- Oui, bien-sûr, tu as déjà fait le déplacement..."
Un billet traîne dans ma poche. Je le tends au conducteur après fait le tour du véhicule. Il démarre lentement et disparaît dans la nuit. 
Elle m'attend d'un pied ferme et se dirige doucement vers le hall d'où elle m'a vu sortir. 
- "Non, pas par là", lui lançai-je. 
Je lui prends la main délicatement mais fermement pour l'entraîner dans une petite rue perpendiculaire menant à l'entrée du parking souterrain. Il n'y a personne. Le calme plat. Elle me suit sans rien dire, pas un mot ne sort de nos bouches intimidées. 
Prudemment je mets ma casquette que j'avais glissé dans ma poche car je sais que les caméras fonctionnent. Elles sont disséminées un peu partout. Huit au total que j'ai compté la première fois. 
Tête baissé, j'avance déterminé. Après avoir passé une rampe d'accès pour descendre en voiture au -1, elle m'interroge en rompant le silence: 
- "Tu me paie avant ou après?
- Je dois passer à ma voiture récupérer l'argent". 
Elle est loin d'imaginer ce qui l'attend. Sa jupe courte va me faciliter la tâche et son sac à main en simili cuir noir paraît bien garni. Elle a dû bien travailler ce soir avant de me rejoindre! Vu sa belle frimousse je ne suis pas étonné. Mais sa belle frimousse me jette de drôles de regards comme agacés. Agacés de quoi? Que je la paie pour ça? Elle devrait s'estimer heureuse! Même si elle ne se doute de rien. Quelle naïveté... Elles sont toutes pareilles, c'est tellement facile. A croire les hommes plus stupides qu'elles, à croire que nous ne nous contrôlons pas face à elles, qu'elles nous font perdre la tête...! 
Nous continuons de descendre vers le second sous-sol éclairés par quelques lumières blafardes. J'accélère le pas, il ne faudrait pas croiser quelqu'un. 
- "Oh! Tu me paies avant ou pas? répète-t-elle.
- Avant oui. Il faut qu'on monte chez moi par l'ascenseur.
- Et ta voiture?"
J'aperçois enfin la porte menant à l'ascenseur. Elle n'a pas compris où je l'entraînait. 
- "Ma voiture est là, derrière cette porte", lui dis-je en la montrant du doigt. 
En poussant la clenche à sens unique, nous entrons tous les deux dans un patio étroit et vide. La porte de l'ascenseur sur notre droite est là. HS. Je sens sa respiration s'accélérer lorsqu'elle comprend. Mon coeur s'emballe lorsque je la plaque face au mur les bras dans le dos. Il se serre. Elle va comprendre qui commande, comme toutes les autres passées ici avant elle. 
J'attrape dans un mouvement sec le couteau dissimulé dans la poche de mon jogging et vient le coller contre sa trachée. Sa gorge dénudée accueille le froid de ma lame en céramique. 
-"Lâche-moi !" hurle-t-elle. 
J'approche ma bouche près de sa nuque, puis de son oreille. Mon souffle court et chaud projette son parfum fruité dans mes narines. Il m'apaise mais n'enlève pas ma haine. 
- "Tu vas payer. Tu ne mérites que ça". 
Je vois son regard apeurée, figé. L'excitation monte en moi. Je remonte brutalement sa jupe, baisse son collant et maintiens ses mains en bas de son dos. Elle se débat légèrement sachant déjà qu'il était trop tard et que la lame sur son cou dénudé pouvait le lui trancher à tout moment. Lorsque je lui caresse la cuisse, je bute contre un boîtier en plastique. Je baisse les yeux et le vois clignoter. 
- "Tu poses tout de suite ton couteau espèce d'enculé! T'es mort !"
Les portes s'ouvrent brutalement laissant entrer un nombre incalculable d'hommes armés jusqu'aux dents. C'était fini pour moi, ils avaient fini par me coincer. Et, encore une fois, elles avaient gagné...

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Taxi parisien de nuit

Les retrouvailles

Par L_ecrit_vin et Elofoster6

- Joyeux anniversaire Paula! 

Maria sortir de son sac à main un écrin qu'elle offrit à son amie, un grand sourire aux lèvres. 

- Oh! Mais il ne fallait pas! 

Paula sentait les larmes d'émotions montées en elle.

- Trente ans ça se marque quand même! répondit Maria, dans la joie de voir la surprise de celle qu'elle considérait comme un membre de sa famille. 

La boîte rouge en velours entre les mains, Paula se sentait au paradis. Elle entrouvrit le présent doucement pour savourer ce moment et aperçut une bague qu'elle connaissait déjà. 

- Tu l'as retrouvée! 

Cette bague avait une symbolique très forte pour elles deux. 

Sertie d'une pierre turquoise comme l'eau d'un lagon, cette bague si particulière avait été achetée par Maria pour les 18 ans de Paula, il y avait 12 ans. Selon le vendeur, il s'agissait d'une bague magique, capable d'accomplir tous les voeux de celui qui la portait. Paula le savait car tous ses rêves de jeune femme s'étaient alors réalisés, jusqu'à cette fameuse baignade dans le lac de Gobie. 

Ce soir-là, Paula et Maria avaient fait la connaissance d'autres jeunes comme elles, qui s'étaient lancés dans un tour du monde. Ils avaient alors partagé quelques bières puis, alcoolisés, étaient partis se baigner nus dans le lac encore tiède de la journée. 

"Reviens Paula!" s'était écriée Maria en ne voyant plus son amie au loin. La bague, brillante, était tombée dans le sable humide. La lumière du feu de camp se reflétait sur la pierre turquoise. Paula ne quittait jamais sa bague, et les malheurs commencèrent ce soir-là. Maria avait heureusement vu le reflet de la bague et l'avait mise dans la poche de son vieux short. 

- Paula où es-tu? cria Maria à nouveau avant de courir vers l'eau. Paula sortit enfin, essoufflée et s'effondra sur le sable.

- Diego a disparu! cria-t-elle, pleine d'angoisse. Je nageais près de lui et il a disparu d'un coup. 

La mort de leur ami fut le premier nuage noir de sa vie. Elle perdit sa naïveté, sa jeunesse ce soir-là. 

Elle ne le savait pas, mais c'était le début d'une longue série. Elle avait cherché si longtemps cette bague pour que cela s'arrête. Enfin elle la retrouvait! Enfin sa vie merveilleuse allait redémarrer comme avant.

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Douze ans auparavant, après la perte de la bague et la mort de Diego, une série de malheurs s'abattirent sur Paula sans qu'elle ne fasse le lien avec l'égarement de son bijou. Et Maria, le lendemain de la disparition de Diego avait déjà oublié avoir glissé l'objet précieux au fond de sa poche pensant la rendre à Paula dans la foulée. Leur retour en France se faisait le lendemain. Tout s'était fait sans embûche aucune, les deux jeunes femmes ne s'étant aperçues de rien, continuèrent leurs existences respectives, bien loin d'imaginer les tournures que celles-ci allaient prendre. 

Paula perdit son père un mois après leur retour dans un accident de voiture. Il n'avait ni bu, ni commis d'excès de vitesse. La voiture était partie dans le décor sans explication. Les années s'écoulèrent, ponctuées de drames dans la vie de la jeune femme devenue adulte: sa mère tomba dans une profonde dépression à la mort de son père, Paula arrêta les cours pour s'occuper d'elle et trouva un job de serveuse pour combler les fins de mois difficiles. Elle consacra son temps libre à soutenir sa mère, dévastée. 

Jusqu'à l'énième drame, la veille de ses 29 ans.

Un appel la réveilla en pleine nuit. Numéro inconnu. 

- Allo? décrocha-t-elle. 

- Bonjour Madame, je suis des services de police. Excusez- moi de vous déranger à une heure si tardive. C'est à propos de votre soeur. 

- Ma soeur? 

- Emmanuelle Mendoza est bien votre soeur? 

Le coeur de Paula s'arrêta net. Elle savait déjà que cette policière allait lui annoncer quelque chose d'horrible, dans la continuité de ce qu'elle vivait depuis toutes ces années. 

- Oui, répondit Paula. Que lui est-il arrivé? questionna-t-elle, versant sa première larme. 

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Les années passèrent. Difficilement pour Paula, plus simplement pour Maria. L’une enchaîna les épisodes difficiles, l’autre vivait pleinement son existence de jeune femme, puis de mère. La vie était douce pour Maria. Les deux restèrent amies malgré les épreuves et se voyaient régulièrement pour s’énumérer les évènements marquants qu’elle vivait chacune, toujours si proche l’une de l’autre.

Mais un nuage vint obscurcir le ciel de Maria. Elle retrouva la bague de son amie, un soir d’automne, tombé dans le fond d’un de ses tiroirs. Et elle comprit pourquoi tout lui réussissait depuis des années contrairement à Paula qui vivait difficultés sur difficultés.

Elle prit le bijou entre ses doigts et observa sa pierre turquoise en la faisant tournoyer pour mieux observer sa brillance.

« Je dois la rendre à Paula Â» pensa-t-elle avec culpabilité. Elle regarda de nouveau la bague en l’approchant de ses yeux. Elle l’envoûtait par sa couleur si profonde. Maria avait peur, peur que son bonheur ne tienne qu’à sa présence. Elle reposa la bague délicatement dans le tiroir, sous un de ses pulls. Personne ne saurait qu’elle se trouve ici. Maria espérait réellement que sa vie se poursuivrait comme elle le vivait jusqu’à présent, mais elle pensait de plus en plus à cette bague, cachée au fond de sa vieille commode. Elle repensait à sa couleur, à ses nuances, et surtout, à son pouvoir. Le méritait-elle vraiment ? Allait-elle pas le payer un jour ?

Un soir, Maria reçut un appel de son amie, en pleurs.

– Maria, c’est moi.

La voix de Paula choqua son amie qui ne l’avait jamais entendu aussi abattue.

– Que se passe-t-il ma chérie ?

– C’est Emma.

Amitié
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